Installé au Portugal, je développe l’aspect professionnel du vilain projet. J’ai atterri, ramé, touché le fond puis rebondi. Il s’en passe des choses sur mon petit bateau !
Ça faisait trois mois que je n’avais pas publié d’article. Je vais essayer de publier régulièrement à nouveau. À ma décharge vous verrez que j’avais vraiment eu d’autres choses à faire !
La fin du voyage
Après avoir passé le cap St Vincent j’ai eu beaucoup de mal à arrêter de voyager. Si Øya et moi-même étions physiquement arrivés, j’ai continué à nous projeter en voyage. J’avais envie de poursuivre et traverser pour les Canaries ou Madère.
Il faut dire que l’Algarve a beau être une région magnifique la plupart des bateaux ne font que passer. Cet endroit est pour ces équipages une simple étape dans leur voyage vers les Caraïbes.
Difficile de résister à la tentation !
Accepter la différence
Il y a plusieurs profils de gens que l’on rencontre sur la mer.
- Ceux qui ont économisé et attendu des années pour réaliser leur voyage. Après leur congé sans solde ils reviendront à terre retrouver leur maison avec des souvenirs plein la tête.
- D’autres sont des bateau-stoppeurs qui cherchent un embarcation pour traverser aussi et si possible à pas cher.
- Plus rares mais tout de même bien présents, il y a les nomades baba-cool qui vivent à bord de leur bateau de façon très modeste, toujours au mouillage et paient l’entretien de leur bateau en trouvant des petits jobs ponctuels.
L’un n’est pas meilleur que l’autre, chacun a son style leur grand point commun étant que tous naviguent !
Alors, toi aussi tu traverses ?
Les autres
Le programme des vacanciers a un début et une fin, ce qui n’est mon cas: j’ai un projet professionnel à construire, et c’est d’ailleurs la règle #2 du projet: travailler à bord.
Alors il peut parfois être difficile de résister à l’appel du soleil, des coquillages et des apéros sur les bateaux voisins. Marquer la différence, quitter le mouillage pour aller au port même si on trouve ça nul. Il y a aussi ça sur le chemin de la liberté: suivre la ligne directrice que l’on a prévue et savoir refuser des opportunités tentantes. Il faut voir à long terme.
En fait, il est question d’affirmer mes objectifs. C’est pourquoi j’ai défini des règles au vilain projet.
Le nerf de la guerre
Maintenant que le projet est bien lancé, c’est intéressant de prendre un peu de recul sur son déroulement: j’ai appris à naviguer en 2019, me suis procuré un bateau et navigué en 2020.
Par contre moi qui voulais stabiliser ma situation professionnelle en 2020, il faut admettre que j’ai échoué.
Je n’ai pas beaucoup communiqué à ce sujet alors qu’il m’a occupé l’esprit depuis l’automne 2019. Un petit bilan s’impose car tout se tient.
- Février 2019: j’avais 24000€ d’économies comme investissement de départ. Entre ma formation moniteur, l’achat du bateau et toutes ces petites choses ici-et-là il ne reste aujourd’hui que 350€.
- La France est un pays magnifique qui m’a accordé le RSA, me permettant ainsi de tenir jusqu’en juin 2020. Sans cette aide mon projet se serait passé bien différemment.
- Février 2020: je trouve un client. Mais au bout de 10 jours le confinement est venu interrompe ma mission. Bien qu’initialement il était prévu qu’elle dure deux mois et demi, elle financera malgré tout mon radeau de survie. Sans lui je ne serais pas parti.
- Mai 2020: je signe un contrat de travail à temps partiel et 100% en télétravail avec une entreprise Norvégienne. Je gagne entre 200€ et 800€ par mois pour un à deux jours de travail par semaine. Suffisant pour m’affranchir du RSA, un premier pas !
- Août 2020: j’annule mon ambition de passer Noël en Martinique : pour cela il faut des réserves et un bateau prêt pour la grande taversée. J’ai changé de destination pour l’Algarve avec pour objectif d’y régler ce problème de ressources.
- 1er septembre 2020: passage d’un entretien au mouillage à Castro Urdiales sur la côte nord de l’Espagne. Ça n’a pas marché et j’ai poursuivi mon périple vers le Portugal tout en travaillant en télétravail avec les Norvégiens.
- Depuis octobre 2020 je suis en Algarve, j’ai arrêté de naviguer pour faire marcher mon auto-entreprise pour la saison 2021.
Donc il faut être lucide: c’est bien le nerf de la guerre qui finalement, a le plus influencé mon programme !
Malgré tout, j’ai quand même fait des choses très sympathiques et j’ai appris un maximum de choses. À mon humble niveau de petit marin débutant, je pense que j’ai quand même très bien optimisé cette année de pandémie.
Tout ne s’est pas passé comme prévu, j’ai réussi à retarder l’échéance, mais j’ai quand même fini par toucher un peu le fond…
Toucher le fond
Ce n’est pas parce que l’on préfère montrer ce qui est bien sur Instagram que tout est rose. Ça n’est un secret pour personne et certainement pas un tabou pour moi ! Tout n’est pas noir pour autant, moi qui suis parti à l’aventure, me voilà servi !
Début novembre 2020, le port de Lagos est joli et un bon endroit pour travailler mais il est très cher. Je n’ai donc pas d’autre choix que de le quitter et retourner au mouillage.
La lagune d’Alvor
Tout le monde la dit être magnifique et la décrit comme un excellent abri.
Comme c’est une lagune avec peu de profondeur je demande conseils à ceux qui y sont déjà allés. Je mouille à l’entrée pour la nuit et entre dedans au petit matin pendant la marée montante.
Je suis les indications que l’on ma données: le banc de sable est à tribord, la bouée rouge est en fait verte mais très rouillée. J’avance prudemment, doucement en dépit d’un mauvais pressentiment. Le sondeur affiche 2,5m de profondeur, c’est trop peu ! Je réalise que je n’ai rien préparé: je n’ai pas la carte papier, aucun alignement. En fait j’ai tout faux, mais c’est trop tard !
La seconde suivante la sonde passe à 1,5m et le bateau s’arrête. Il se cale doucement mais certainement contre le banc de sable sur bâbord. Difficile d’admettre la dure réalité: je suis bien là, échoué au milieu de la lagune ! J’imagine déjà Øya posée sur le flan gauche à marée basse au milieu des pêcheurs à pieds… La classe !
✔️ Premier échouage
Et probablement pas le dernier…
Bref, j’observe, je comprends: le courant de marée me pousse contre le banc de sable, c’est ce qui me bloque. Théoriquement le courant s’inversera quand la marée va commencer à redescendre, je devrais alors pouvoir me dégager à ce moment-là. Je n’ai pas envie d’attendre passivement et j’ai vu qu’il y avait un peu plus de fond à l’arrière qu’à l’avant. Je mets donc des grands coups de moteur en marche arrière comme jamais. Pendant de longues secondes et dans un panache de fumée le bateau commence finalement à pivoter tout doucement. J’arrive enfin à me dégager.
Il est 8H30, je retourne là d’où je viens et j’y resterai sagement attendre la brise de mer pour rejoindre la rivière de Portimão un peu plus loin.
Certes, je m’en suis remis et ça arrive surement à des gens bien aussi, mais je m’en serais bien passé ! Vous noterez que je n’ai pas pris de photo.
La rivière de Portimão
Formidable, moi qui n’ai pas le sou je vais pouvoir m’installer là quelques temps et continuer à développer mon auto-entreprise. Il parait qu’il y a un point d’eau avec une douche gratuite à côté du mouillage. Je suis heureux de commencer une nouvelle page de mon histoire ici !
La cabane du pêcheur
Effectivement, le mouillage se situe devant l’entrée du port de pêche de Portimão. Tout au fond du port, il y a des toilettes publiques avec un robinet et une douche rouillée. À côté de ce petit bâtiment se situe un bar où la terrasse est remplie de pêcheurs ivres dès le lever du soleil. Voici donc mon point d’eau et ma douche, après tout le principal est que l’eau soit douce.
Une fois un pêcheur titubant est rentré dans la cabine de douche pendant que je me rhabillais. Car la porte n’a pas de verrou bien entendu. « Bonjour, le toilette turc c’est à côté… »
Ils sont gentils mais un peu bizarres.
Pour aller au « point d’eau » il me faut ramer, ramer, ramer pendant longtemps. Le port de pêche est tout en longueur. Comme j’ai perdu une des deux rames, je rame avec une seule, c’est encore plus pénible et fatiguant ! Les gens m’observent depuis la jetée, je suis sûr qu’ils me jugent !
Une fois je me suis aperçu une fois arrivé que j’avais oublié mes bidons pour faire le plein d’eau. Ça m’a mis de mauvaise humeur !
Une autre je suis tombé nez-à-nez avec une dizaine de chiens errants qui aboyaient l’air très énervés. Je suis alors reparti tout doucement en arrière avec mes bidons vides, « on reviendra quand il fera jour » !
Ma trottinette
J’ai investi dans une trottinette pour optimiser mes déplacements à terre. Ce n’est pas du luxe car ma zone industrielle est un peu loin de tout. J’ai choisi celle qui n’a pas d’amortisseurs car selon moi c’est « une complication inutile source de problèmes ». Très juste, sauf que les rues de Portimão sont soit pavées soit mal-pavées. Tous les cas la trottinette fait un bruit d’enfer, bonjour la discrétion et les vibrations !
Alors sachez-le, si un jour vous voulez faire vos courses en trottinette, optez pour la full-option sans hésiter une seconde !
L’annexe de mon voisin
Mon voisin de mouillage a une belle annexe, avec son joli moteur hors-bord il déjauge et avance à pleine balle ! Lui, il traverse le courant de la rivière pour se garer directement au centre ville. En 5 minutes il est de l’autre côté
Un jour il m’a raconté que les rats de la décharge sauvage qui est juste derrière la plage nageaient jusqu’aux chaînes des bateaux et montaient à bord. Il en avait trouvé un dans son tableau électrique, depuis il met une bouteille plastique coupé autour de sa chaîne. J’en ai mis une aussi.
La goutte d’eau
Pour couronner le tout, je me suis aperçu que mes panneaux solaires ne produisaient plus assez d’électricité. Un mois avant le solstice d’hiver il y a effectivement peu de soleil, c’est normal.
J’ai donc commencé à aller au petit restaurant qui est juste à côté du quai à gazole des bateaux de pêche. Car oui jusqu’au 15 janvier dernier les bars et restaurants étaient ouverts au Portugal. Ça tombe bien car le quai à gazole est juste à l’entrée du port de pêche, j’y suis en quelques coups de rame. Un éclair de lucidité me frappe lorsque le serveur m’apporte ma deuxième bière: à ce rythme-là je vais vite confondre la cabine des toilettes et celle de la douche. C’est un piège !
La boucle est bouclée, il faut vite quitter cet endroit !
Il faut être lucide: c’est le pire contexte pour monter une entreprise. Ça ne rime à rien, tous ces petits détails me font perdre du temps et de l’énergie. Je n’arrive pas à faire avancer mon entreprise ni quoi que ce soit d’ailleurs.
Un jour, j’aurai certainement l’expérience et le matériel nécessaire pour travailler efficacement depuis le mouillage. Cette petite virée d’un mois dans la rivière m’a fait comprendre que ce n’est pas encore le cas.
La marina de Portimão
J’ai donc déménagé au port de Portimão quitte à y dépenser 50% à 75% de mon salaire Norvégien. Je me suis aussi acheté une planche de surf pas cher et je profite des vagues, car si je n’ai pas les moyens de visiter l’arrière-pays alors c’est toujours ça de pris. En fait, j’ai vraiment ressenti le besoin de me défouler physiquement pour me venger de tous ces échecs.
Ici, les douches sont chaudes, l’eau coule à flots, les vagues sont à 200m et ma trottinette fonce sur les pistes cyclables qui mènent tout droit jusqu’au super-marché !
Voilà un environnement correct. Il ne reste plus qu’à régler les finances.
Rebondir
Ces péripéties sont fatigantes sur le moment, mais elles deviennent des anecdotes rigolotes une fois passées. J’ai pu redoubler d’énergie, oublier les problèmes de logistique à base de trottinette pour repartir sur de bonnes bases.
Exigence
Je pourrais faire comme les fameux « baba-cool » des mers et trouver des petits boulots de temps en temps. Cela ne m’intéresse pas.
Mon métier de développeur est une passion et j’ai besoin de le pratiquer. J’ai besoin de contribuer à des projets intéressants, concrets où il faut relever des défis techniques et en équipe.
Après tout il n’y a pas que le bateau dans la vie.
C’est un projet de vie, il s’agit d’être heureux tout le temps.
Je n’ai jamais voulu quitter mon métier mais seulement le pratiquer avec un mode de vie qui me rend heureux. Nous-autres informaticiens, que l’on soit entassés dans un open-space ou confinés dans un appartement, dans tous les cas on se parle sur un chat en ligne avec nos écouteurs sur les oreilles. Donc, faire la même chose dans une grande ville ou à des milliers de kilomètre du bureau sur un bateau… Ça ne change pas grand chose pour l’aspect professionnel, quoi de plus efficace qu’un collaborateur épanoui ?
Quoi qu’il en soit je ne suis pas inquiet car je suis sûr de moi: j’ai raison.
Persévérance
J’ai essayé trois fois de me mettre à mon compte, et c’est loin d’être facile.
La première fois j’avais 17 ans et la conseillère de la chambre de commerce de Nîmes m’avait recommandé de passer mon bac d’abord. La seconde j’étais encore en école d’ingénieur et je n’avais pas réussi à trouver suffisamment de projets. Maintenant c’est la troisième fois et je compte bien aller jusqu’au bout des choses et correctement et avec succès.
Il est toujours bon d’apprendre de nos erreurs, j’ai donc décidé de suivre une formation avec Ambroise Debret pour ne pas échouer une fois de plus.
Pour payer cette formation, j’ai fait le pari qu’elle serait suffisamment efficace pour que je puisse la rembourser. Dépenser de l’argent que je n’ai pas n’est vraiment pas quelque chose que j’aime, mais il faut savoir sortir de sa zone de confort pour se débloquer de cette situation.
Je vendrai ma moto pendant mon passage en France à Noël, au cas où mon pari échoue encore. Hormis mon bateau, je n’ai vraiment plus grand chose ! Enfin si: ma trottinette…
Récompense
Et un beau jour, tout se débloque ! Thomas, un ami de l’IUT à qui j’avais parlé de mon projet en 2019 m’a mis en relation avec le client qui avait besoin de mes compétences !
Le projet est passionnant et l’équipe très sympa: c’est le projet idéal !
Tout à coup l’horizon s’éclaircit, je vais pouvoir re-travailler, vivre correctement et l’été 2021 semble ensoleillé. Je peux enfin aller de l’avant !
Et surtout… Commander une belle annexe digne de ce nom !
Il n’y a pas une seconde à perdre, il y a du pain sur la planche et en plus les jours rallongent déjà !
À titre indicatif, j’ai deux cibles au programme 2021: les îles Baléares et le Vieux-Port de Marseille, autour de ça on trouvera bien de quoi s’amuser !
Les gens raisonnables ont plein de doutes, trop de soucis, donc moins de souvenirs dans leur sac à la fin de leur vie.
Mickey 3D
Enfin des nouvelles. Région du Portugal que nous connaissons un peu. L’important c’est que tu gardes le moral, c’est un très jolie projet que tu as là et tu le mèneras à son terme avant de passer à un autre.
Bon courage et bon vent marin.
Je reconnais bien le jeune voisin qui voulait perfectionner et achever ce qu’il avait entrepris. Le courage et la persévérance payent et sommes heureux de te savoir à flot
sur les deux tableaux ( Eau « potable », et Finances) Le « potable » vient de ton récit qui nous a beaucoup amusé.
Cordialement H & M
Genial ton récit!
j’attends la suite avec impatience 😉
Courage
Bravo pour ta perséverance…qui ne tente rien n’a rien…Bon courage….bon vent et profite de ta jeunesse pour mener à bien tes projets…
Nous sommes contents de lire ces nouvelles qui montrent que le coeur que tu mets dans ton projet se trouve récompensé.
En te souhaitant le meilleur pour la suite, bon vent à toi
Que d’aventures! C’est toujours un plaisir à lire. Bravo!!
Tu m’as encore bien fait rire, malgré toutes tes galères. Le vent tourne dans le bon sens pour toi, marin !😉
Bernard
Une sincérité qui rassure et conforte mon envie de vivre sur mer. Le plus difficile sera de quitter ma zone de confort et de construire le projet avec autant de persévérance que toi .
Bon vent et bon cap à toi, amicalement
Merci pour ton message Bernard!
Le plus difficile est effectivement de larguer les amarres, ensuite on n’a plus le choix que d’apprécier et faire avec ce qu’on a 🙂
C’est une aventure bien stylée que tu vis!!
Bon vent 🙂
Merci à toi !
L’argent, nerf de la guerre, reste un problème de taille, il faut manger, sans cesse réparer le bateau, l’environnement marin est une vrai galère pour le matos. C’est super ce que tu fais, ce que tu ressens sur l’eau tu ne pourras jamais le retrouver à terre, sauf peut-être dans une aventure en pleine nature, livré à toi même, mais là je ne connais pas. Je ne vais pas te dire de profiter de chaque instant car c’est ce que tu fais, alors vis !
Ton message me fait bien plaisir Stèph. Effectivement je profite de chaque instant, je ne me lasse pas de l’apprentissage constant !
Hello Vincent,
Content de voir que tu as su rebondir, et surtout te concentrer sur tes takeoffs !
Bonne route peut-être à bientôt 🙂
Salut Barnabé ! Effectivement ça surf pas mal ici !
J’espère qu’on aura l’occasion de se croiser cet été 🙂
Hello Vincent,
Je te découvre ainsi qu’Øya.
Je lis que l’une de tes futures destination est le Vieux-Port de Marseille … hors j’y habite et je suis (plus ou moins) sur le même projet que toi : en formation skipper pour ensuite acheter mon bateau et bosser (ingé info) depuis celui-ci.
Je te payerai volontier une bière (voir plusieurs) si ça te dit d’échanger.
En tous cas merci pour le partage de ton expérience.
Au plaisir et bon vent d’ici là.
Take care.
Salut Michael,
Effectivement cette destination est toujours au programme, à voir si c’est un objectif que j’arrive à atteindre !
Je suis toujours partant pour témoigner de mes galères autour d’une bière 😉 N’hésite pas à me suivre sur les autres réseaux cet été, je communiquerais un peut plus en direct de mon avancement, on pourra se synchroniser.
Tu as tous mes encouragements pour ton projet. C’est pas toujours simple mais c’est une aventure inoubliable !