Comment petit-à-petit je me suis amené à décider de tenter ce projet de vivre sur un voilier ?

Depuis tout petit j’ai toujours eu une activité prenante, et je n’ai jamais été capable de la pratiquer de façon modérée. Toujours à fond, par contre quand j’ai fait le tour, l’arrêt est net et on passe à autre chose: la pêche, l’aéromodélisme, la musique, l’informatique, les études, encore la musique, le parapente, la moto, la Norvège, puis un vide… Que faire ?

La musique, j’ai raté. La moto ça ne suffit pas. Le parapente, c’est génial mais en fait non. Le planeur et l’avion sont trop chers. La randonnée oui, mais pas longtemps…

Reste la voile, j’ai toujours voulu en refaire, et c’est une des dernières choses que je n’ai pas encore tenté. J’en ai quelques brefs souvenirs de mon enfance mais pas beaucoup plus. Si jamais ça ça ne me plaît pas, alors je serais grave dans la merde parce qu’après ça je n’ai plus d’idée !

Le début d’une activité

J’ai renoué avec la voile en prenant des cours aux Glénans, en commençant par le niveau 1 comme tout le monde, c’était en Novembre 2017. J’habitais Oslo et travaillais alors dans la robotique. L’effet fût étrange, des souvenirs oubliés sont revenus à partir des bruits de l’eau contre la coque, le vent dans les haubans, les winchs et encore les odeurs. De vraies madeleines ces bateaux!

J’ai enchaîné les stages aux Glénans jusqu’au niveau 3, validé en avril 2018. Une bonne partie de mes vacances et de mon argent est parti dans ces stages. Même si faire l’aller retour en avion, le train et le stage lui même me coûtent moins cher que trois jours de cours en Norvège, c’est un sacré budget. Étant en couple c’est pas toujours évident, plusieurs fois j’ai entendu « du er en egoistisk person, Vince« , et c’est vrai, c’était égoïste.

L’inconvenient de ce sport est qu’il faut un bateau pour pouvoir pratiquer, ou alors des amis qui en ont un. J’ai donc intégré un équipage de régate, la onsdagsregatta d’Oslo. On a fait une sortie test, le jeu consistait à faire des ronds entre deux bouées pour arriver le premier. C’est nul ! Tourner en rond…

Puis la vie m’a encore ramené au célibat. J’étais donc à la recherche d’un logement quand j’entendu parler d’un collègue qui vivait sur son bateau. Si lui le peut alors moi aussi !

Révélation

La photo de mon premier voilier, le Jori CPD
5 Mai 2018 – arrivée à ma place au port de Killingen, Oslo avec mon Maxi Fenix, le Jori CPD

Deux semaines après le 6 Mai 2018 j’achetais un bateau pour y emménager. C’était Maxi Fenix, un voilier de construction Suédoise mesurant 8,5m. Mis à l’eau en 1984 il était en avance sur son temps à l’époque. Il était facile à naviguer en solitaire, avait peu d’espace à l’intérieur mais suffisament, bref il ne me fallait pas mieux !

Initialiement, l’idée était de minimiser mon loyer tout en pouvant naviguer le week-end…

La révélation fut entière: on bosse en fait pour payer un loyer, acheter des meubles, une voiture, aller au restau, au bar, en fait pour tourner en rond.
Éventuellement on voyage: d’un AirBnb à l’autre, en avion, en train, pour voir ce qu’il y a à voir et dire qu’on l’à fait sans pour autant y avoir vécu quelque chose de mémorable.
Je n’ai pas été satisfait par ce mode de vie jusque-là.

Une photo exposant ma moto au pied des montagnes Autrichiennes.
Le 29 juillet 2018 en Autriche

Autre expérience importante, en juillet 2018 j’avais décidé de ramener ma moto depuis Oslo jusqu’à Nîmes pour la revendre. J’ai passé quatre jours sur la route, avec ma tente à faire du camping sauvage, visiter, rendre visite à des amis en République Tchèque et regarder les paysages. Une fois arrivé, le compteur indiquait 2777,5km ; soit la distance entre le boulot et chez Maman. La sensation que l’on ressent en arrivant après tant de kilomètres et de paysages différents apporte une autre dimension au déplacement, une impression de mérite et de la satisfaction. Le même trajet se fait en 2h d’avion pour beaucoup moins cher. C’est fabuleux sur plein d’aspects mais le mot « voyage » y perd beaucoup de sa substance.
Ce voyage-là a beaucoup contribué à prendre la décision de faire ce projet. Un monde bien plus intéressant sépare Nîmes d’Oslo, et c’est de toute cette partie-là dont notre quotidien nous prive que j’ai envie de me rapprocher.

Pourtant, j’ai toujours adoré et j’adore toujours autant la robotique. Il en est de même pour les voyages, les concerts et les bars.

Et si plutôt que de revenir au boulot tous les lundis matin je m’achetais un bateau ? Je voyagerais doucement d’un endroit à un autre pour y vivre de vraies expériences mémorables, travailler depuis mon bateau qui serait alors ma maison, apprendre de tout sur tout en permanence ?

Telle est l’idée que j’ai eu en Juin 2018. Comment ne pas céder à la tentation ? J’avais 30 ans, je suis célibataire sans enfant, ingénieur en informatique à l’heure où tout le monde en cherche. C’est une fenêtre unique qui se présente là, béante devant moi et que plein d’autres n’ont pas la chance d’avoir. Il semblerait dommage de la laisser filer…

J’ai donc sauté dans le vide.

Une photo du port de Killingen vu depuis la côte en soirée.
9 Juillet 2018, 00h33 – Ivre, Cléa tient en équilibre sur le plongeoir de la plage, en face du port de Killingen, Oslo. « Allez saute ! »

Pas trop haut Icare !

Le bateau est vu comme un remède pour beaucoup de gens, un symbole et synonyme de liberté, de retrouvailles franches avec la nature.
L’idée initiale est certainement très naïve et peu originale, on m’a plusieurs fois dit « Ce que tu fais, c’est un rêve que j’ai toujours eu ».

Mais pourquoi ces gens là ne l’ont-ils pas fait eux-même ?

C’est un investissement de taille :

  • Financier, déjà il faut réussir à mettre suffisamment de côté.
  • Ensuite devenir suffisamment bon marin, c’est une question de bon sens et de sécurité.
  • Se procurer le dit bateau, et le bon !
  • Rendre le bateau apte aux besoins du projet.
  • Et enfin démarrer l’aventure ! Pour éventuellement réaliser que « bon en fait c’est naze, ça me saoule je vais faire autre chose« 

Vu comme ça, je comprends pourquoi ils se sont arrêtés là…
Mais pas moi. Même si finalement il se trouve que je ne rempli pas toutes mes ambitions initiales j’ai envie de tenter le coup, juste pour voir. C’est une plein d’expériences en soi que d’amener ce projet à maturité. En fait les objectifs ne sont presque qu’une excuse pour traverser tous les défis qui se présentent sur la route et prouver aux éventuels sceptiques que si si, c’est possible regarde : je fais ce que je veux.

Dans ces circonstances, ça semble un peu plus rationnel… Bref, je tente et je vous dit quoi.

Une photo de moi en navigation à bord de mon premier voilier.
Oslofjord, 8 Juin 2018 à bord du Jori CPD.
Nb.: La grand-voile n’est pas assez étarquée à cause des drisses entre-mêlées dans le mât.