Ça y est ! J’ai enfin emménagé sur Øya pour procéder à une inspection assez détaillée du navire en vue de la mettre à l’eau au plus vite. Tout commence bien ici, je me suis senti chez moi dès la première seconde 😃 !

Ce passage à bord est de courte durée car je pars pour les fêtes de fin d’année Vendredi. Ce n’est pas si mal de repartir rapidement car après tout, ça me permettra de prendre du recul sur mes observations et éviter la précipitation.

Øya repose actuellement sur ses béquilles et se tient fièrement debout parmi les autres bateaux de la court. C’est ici que je vis, j’ai l’électricité et de l’eau potable, mais ni douche ni toilettes et c’est largement suffisant !

D’abord, la sieste ☝️

Une fois arrivé sur Øya avec tout mon bazar, je me suis empressé d’y faire une sieste. C’était dimanche matin, le ciel était déjà bleu pourtant si tôt dans la matinée. J’ai somnolé environ deux heures, deux heures pendant lesquelles j’ai observé le vaigrage et les boiseries du bateau.

Hé oui, j’arrive avec mon bazar ! Faudra vite ranger tout ça !

C’était une manière de vérifier le plus important: est-ce que je dors bien chez moi, est-ce confortable ? La réponse est évidemment oui, c’est le bateau le plus confortable du monde !
Voilà, comme ça c’est dit.

Premier coup d’oeil

J’ai vite compris qu’il y avait quelque chose d’ancien là-dedans, on n’est pas dans un bateau moderne, je dirais en premier que les volumes ne sont pas placés au même endroits. Ici, il y a de place dedans, et dehors.

Dehors, tout est fait pour la naviguation. On a de nombreuses mains courantes: où qu’on soit, on peut se tenir et à deux mains même ! Tout est surdimensioné et protégé comme si on allait se manger un iceberg d’un moment à l’autre ! Le pont et plat avec un roof très long jusqu’au mât, et on s’y déplace avec aisance malgré une certaine étroiteté qui peut-être sera un peu casse-gueule une fois le bateau mis à l’eau !

La table à cartes

Dedans, la table a carte prend toute sa place en bas de la descente sur bâbord et le navigateur y trouve la place qui lui est dû tandis que la cuisine ne manque de rien sur tribord. Le carré est construit autour d’une table centrale qui contient un grand volume de rangements, tous comme les banquettes. Si on compare avec un bateau des temps modernes, je pense qu’une fois debout dans celui-ci, on se tient plus profond sous la ligne de flottaison. En quelque sorte, le bateau est plus haut et quand on descend la descente, on descend un peu plus ! Dans tous les cas je tiens debout la dedans plus ou moins partout, ce qui est quand même pas mal pour un voilier de 9,60m.

Le coin cuisine

Plus en détails !

Inspection des fonds

J’entame mon inspection par les fonds, ça consiste à regarder en dessous des planchers pour voir l’état de la coque depuis l’intérieur. Entre autre, le but est de vérifier si tout va bien, voir s’il n’y a pas de rouille ou des trous… Par exemple !

Dans le cockpit tout va bien, je suis même stupéfait, très peu de traces de rouille et une place énorme dans les coffres pour ranger tout sorte de matériel. Je passe à l’intérieur et là aussi tout me semble plutôt bien: la gatte moteur, la cuisine, les passe-coque… RAS

Le cockpit d’Øya est spacieux et met à disposition un très grand volume de rangement. Notez la taille démesurée des taquets !

Je vois que la rouille a été traitée au fur-et-à-mesure et ce avec des peinture de couleur différentes, ça donne un air bizarre, mais ça me semble finalement pertinent de distinguer les anciens « pétassages » des plus récents…

Mal câblé vous dites ?

C’est lundi soir que je commence à faire la rétro-conception du circuit électrique d’Øya.

Øya est autonome en énergie grâce à ces panneaux solaires et une éolienne.

Fort de ma première expérience de mon voilier Norvégien, je commence par le commencement: à savoir le circuit de charge. Je vérifie la tension des trois batteries, et je constate avec surprise que les deux batteries de servitude sont pleines. C’est peu après que je comprend qu’elles ont en fait été automatiquement entretenu par le régulateur de charge des panneaux solaires qui fonctionnent toujours depuis qu’ils ont été installés.

Le tableau électrique. Il ne fait pas envie à première vue, mais il n’est pas moins efficace !

Le câblage d’Øya est efficace, il n’est pas joli au premier abord, mais il fonctionne et il est en place. J’ai pu vérifier la cohérence dans son intégrité et elle est au rendez-vous, donc ça suffit.

L’isolation

Sur mon bateau en polyester à Oslo, j’avais ressenti le besoin d’améliorer l’isolation par les -10 degrés de l’hiver Scandinave, ça faisait un peu de condensation à l’intérieur. Pourtant, c’est bien avec Øya que j’ai compris à quel point le polyester est un matériau isolant en comparaison de l’acier ! Je savais que l’acier n’isolait pas, mais le vivre c’est autre chose.

Øya a fort bien été isolée, et pourtant de l’eau ruisselle peu à peu dans les puisards. Après observation je comprends que la moindre surface d’acier de la coque en contact avec l’air intérieur sera une source de condensation à la première occasion, même un demi centimètre carré.

En observant les hublots, on voit nettement l’épaisseur de l’isolant qui a été intercalé entre la coque et le vaigrage en bois

L’isolation est donc importante et pour de vrai ! L’ensemble du carré (le salon) d’Øya a été fait de manière très rigoureuse et l’isolant est habilement recouvert du vaigrage en bois original. Les mains courantes (trucs auxquels on peut se tenir) sont toujours présentes et leurs fixations ont étés rehaussées avec des pièces métalliques assurant une solidité adéquate. Notez qu’en si peu de mots je viens de résumer des jours voir des semaines de travail qu’a effectué l’ancien propriétaire avec brio.

Le moteur

Le Volvo Penta MD11C est un bicylindre suédois taillé dans la fonte. Robuste et au plus simple, c’est un moteur que j’appréciais déjà avant même de connaître l’existence d’Øya. Mon précédent bateau avait en effet un moteur de la même génération, et j’avais eu l’occasion de lire sur le MD11C.

Le Volvo Penta MD11C, un modèle populaire simple et robuste qui a fait ses preuves. Celui-ci est quasiment neuf avec 500 heures de marche environ et malgré son viel âge.

Ici, aucune surprise, le moteur est dans un état remarquable car il a peu tourné, bien qu’il ne soit pas de toute jeunesse. C’est comme si c’était une Twingo de l’an 2000 avec 1000km au compteur en 2019. Pire en fait, il a été commande autour de 1985 !

Un équipement complet

J’ai pu tester les équipements déjà en place et j’ai même du son ! Øya n’est pas un studio d’enregistrement pour autant, mais je pourrais me passer de la musique quand je serais au large ou pénard au mouillage en train de pêcher.

Peu à peu je ressent une certaine joie monter en moi. Mes panneaux solaires fonctionnent bien, j’ai une éolienne et un poste radio, tout ça c’est du confort en plus que je n’avais vraiment pas envisagé.

Je l’ai, je le garde !

Des points faibles, tout de même

Hé merde !

Rien n’est parfait, et la fatalité veut que je tombe sur un élément qui pourrait présenter un problème sérieux. Comme je le précisais dans mon article « comment choisir son voilier« , de l’oxydation peut se frayer un chemin entre la taule et le lest de la quille. Si ça se produit, et ça arrivera fatalement un jour, il faudra alors retirer tout le lest pour assainir l’intérieur de la quille.

La rouille à traiter au dessus du lest de la quille.

C’est en grattant un petit point de rouille insignifiant qu’est en fait venue une plaque de peinture de quelques centimètres, puis une autre… Je n’avais pas vu ça lors de la visite, pourtant j’avais bien regardé et on était deux !

Il est bien possible que l’oxydation se soit déjà propagée plus bas entre la taule de la quille et son lest. Le lest est un gros bloc de résine époxy contenant des lingots de plomb, donc autant dire que ce serait un travail plus que pénible que d’aller voir là dedans.

Après un peu de réflexion et une nouvelle observation plus fine je constate que d’autres traitements ont été fait au dessus du lest. La rouille n’a pas non plus cette texture de pâte feuilletée caractéristique d’une taule vraiment malade. Aussi, le lest date de 2012 donc pas de panique, il faudra juste que je suive ça de bien près comme il faudra quoi qu’il en soit.

La cabine avant

La cabine avant souffre de sa faible isolation. Comme dans le carré, la coque est nue jusqu’à 50cm au dessus de la ligne de flottaison, mais là-bas les rangements font office d’isolation. Là, il n’y a aucune barrière entre la coque froide et l’air réchauffé par ma présence. En conséquence l’humidité se condense contre les parois, forme de petites gouttes qui ruissellent jusque dans les fonds où l’eau stagne.

Sur ces taules, on voit que le revêtement original ne tient plus bien contrairement au reste du bateau, signe que le problème n’est pas récent.

Ici les fonds de la cabine avant. On y aperçoit l’eau stagnante issue de la condensation.

De l’eau qui stagne ce n’est pas idéal pour un bateau en acier. La rouille que j’ai trouvé était principalement logée à ces endroits, ce qui est cohérent…

Au plafond, l’isolant qui n’est pas recouvert de vaigrage. Il a donc tendance à tomber, laissant alors l’air venir apporter de la vapeur contre l’acier du pont où elle se fera un plaisir de se précipiter pour finir aussi dans les fonds.

Il ne manque pas grand chose pour que l’isolation soit convenable, l’ancien propriétaire a fait le plus compliqué. Terminer le travail consisterait à poser un vaigrage et de l’isolant là où il en manque. Si peut de travail pour limiter la production de rouille, ça semble valoir le coup !

Le poste navigateur

Le poste navigateur a été privilégié par l’architecte et le constructeur. En revanche les évolutions et révolutions dont le bateau a profité au fil des dernières années lui ont enlevé beaucoup du cachet qu’il mérite. Pourtant il n’en est pas moins fonctionnel, mais il est moche, il faut l’avouer.

Hormis sa mocheté, un autre inconvénient (et ce sera le dernier à l’égard d’Øya pour l’instant) son isolation n’est pas finie, comme dans la cabine avant.

C’est vraiment dommage car il reste peu à faire. Cela étant dit, je comprends bien pourquoi ça n’a pas été fait, le câblage du tableau électrique n’est pas des plus beaux, il a un air de « temporaire ». Je pense que le poste navigateur a simplement besoin d’une finition au niveau de l’isolation, même un vaigrage temporaire résoudra la problématique en attendant un câblage parfait.

Un poste de pilotage intérieur

Toute la descente a été refaite. Quand on observe l’entrée du bateau depuis l’extérieur, on peut voir des traces de soudure et une peinture plus récente. La descente a été refaite pour une plus petite. Le capot qui était certainement en teak et coulissant à l’origine est devenu un capot fait sur mesure qui se lève comme les portes de la Doloréane, de plus le capot est surmonté d’une bulle de veille qui permet d’observer l’horizon à 360 sans devoir sortir à l’extérieur. C’est un travail de découpe et de soudure incroyable qui me pousse à me demander quelles expériences ont bien inspirés l’ancien propriétaire pour ressentir un tel besoin ?

Cette bulle de veille me permettra de veiller régulièrement tout en restant au chaud !

Conclusion

J’ai noté pas moins de 17 pages dans mon petit calepin ! J’ai pris soin de distinguer les éléments à revoir en fin d’inspection des questions que j’aurais à poser à l’ancien propriétaire.

Chaque détail compte, rien ne doit m’échapper.

Analyser un bateau c’est aussi rencontrer son propriétaire, son constructeur, son architecte. J’ai été fasciné par la facilité avec laquelle j’ai compris les choix de l’ancien propriétaire d’Øya. Lors de la visite j’avais eu l’impression d’être chez moi, ça en dit long !

J’ai vu dans la structure du bateau une construction simple, robuste et « bestiale » comme disait l’expert qui m’a accompagné lors de la visite. J’aime bien cette construction là car on peut tout voir et tout comprendre rapidement. Je me sens en sécurité là dedans, il n’y a aucune zone d’ombre où je pourrais imaginer des sournoiseries, je suis convaincu du sérieux et de la qualité du travail du chantier L. Landy.

J’espère ne pas avoir de mauvaise surprise à côté desquelles je serais passé, mais je ne pense pas !

La suite: faire l’antifouling, mise à l’eau… Et y’a plus qu’à naviguer pénard en solitaire 😁