Deux ans d’apprentissage, de réflexion et de travail se concrétisent. Mon dernier essai d’un mois sur l’eau entre Belle-île et le Golfe du Morbihan est terminé, il est maintenant temps de partir pour de bon, cap au sud !

Retour sur un mois sans toucher terre

Avant de partir voyager, j’ai passé un mois sur l’eau à tester ce mode de vie. Un jeu grandeur nature dans un périmètre facile et proche de mon port d’attache où j’ai mes repères et habitudes. Ne pas toucher la terre ferme et travailler, voilà les deux principaux axes du test. Ça s’est très bien passé.

La vie sur l’eau

Premier constat, le temps ne passe pas moins vite en mer qu’à terre, les jours défilent rapidement. Le rythme est soutenu car il faut toujours connaître la météo pour les trois jours à venir. Un abri n’est valable que pour un secteur de vent donné, il faut toujours anticiper et repérer d’autres abris au cas où les conditions changent. Si c’était les vacances encore… Mais moi je travaille !

Ensuite, même si toute ma vie est à bord et que je n’ai pas de déplacements à faire pour aller au travail, je n’ai pas tous ces services anodins que l’on a sur la terre ferme. Je suis à la fois employé en télétravail, boulanger, cuisinier, lave-vaisselle, mécanicien, aspirateur, plongeur etc. Par conséquent, on se laisse vite aller niveau alimentation. J’ai transformé 5kg de farine en pain. Les déchets sont aussi vite encombrants, pourtant j’avais enlevé tout le nécessaire avant le départ… Les journées sont bien remplies sans avoir au final accompli de grandes choses.

Par ailleurs, les choses vraiment importantes à faire ou à régler sont devenues évidentes sur le plan d’eau. Affaler le génois sur enrouleur à chaque mouillage car il n’a pas de bande anti-UV va vite devenir pénible. La maintenance du moteur monte d’un cran en priorité car sans lui je ne peux pas remonter l’ancre que j’utilise quotidiennement. Entretenir les voiles devient primordial car je les utilise tout le temps et laisser aller l’usure normale revient à perdre des centaines d’euros en très peu de temps. En revanche, certaines choses qui me semblaient cruciales pourront attendre un peu comme mon annexe pliable. Tout le monde la remarque parce qu’elle est différente mais en fait elle remplit sa tâche très bien, en tout cas pour l’instant !
Donc au final, le budget annexe est parti dans des travaux d’entretien préventif des voiles. J’userai mon annexe jusqu’au bout, en préservant mes précieuses voiles.

Écoute le son des vagues, elles sonnent mieux que ton enceinte Bluetooth.

Couper avec la vie terrestre, larguer les amarres permet de me recentrer sur l’essentiel du projet et revenir vers les grandes lignes directrices que sont les six règles. En fait je me sens bien sur l’eau ! Les copains et la famille me manquent, mais si j’habitais à terre ça ne changerait pas grand chose. Le soir j’ai droit à de superbes couchers de soleil en observant la faune locale et si j’en ai envie, je peux aller visiter les rochers en apnée après le travail. C’est quand même pas mal !

Une nuit étoilée

Le temps passant vite, il faut déjà commencer à revenir vers Lorient pour l’arrivée des copains le 27 Juin. La météo annonce très peu de vent pour la semaine, il faut donc prendre les devants.

Après une petite heure de plongée en apnée et une bonne sieste je décide de lever l’ancre du mouillage de l’île d’Houât et de faire route vers Groix. Ce sera donc une navigation de nuit, comme ça la première sera faite !

Le vent est effectivement faible et il est quasiment face à moi ce qui ne facilite pas les choses. J’ai choisi ce créneau puisqu’il y a du vent, mais aussi car le courant me hâle vers ma destination, ça compte !

J’assiste à un magnifique coucher de soleil en passant Quiberon. Le ciel est clair et les étoiles ne tardent pas à scintiller. Le spectacle est magnifique mais quelque chose me tracasse. J’entends là-haut un Mirage 2000 ou un Rafale qui tourne dans le secteur tous feux éteints. Il va et vient, j’entends aussi en arrière-plan un autre avion qui doit remorquer une cible et de temps en temps je vois comme des flashs et des étincelles au loin mais pas si loin que ça devant moi. J’entends nettement le bruit sourd du canon de l’aéronef qui s’entraîne tout près de moi. Ais-je consulté les AVURNAV ? Non bien sûr, et c’est trop tard.

Je suis très proche si ce n’est pas dans le polygone de tirs de Gâvres. C’est une zone d’entraînement où les armées font des exercices depuis bientôt deux siècles. Je n’ai pas spécialement peur de perdre une partie de toucher-couler mais j’aimerais simplement éviter de me faire remarquer. Les militaires m’ont vu depuis bien longtemps sur leurs écrans radars, c’est une certitude. Un pêcheur se fait rappeler à l’ordre sur la canal 16 de la radio, j’espère que ça ne sera pas mon tour car moi ma radio ne fonctionne plus depuis tout à l’heure ! Ça dure deux heures environ, drôle d’ambiance en tout cas, la guerre !

Je fais un virement de bord pour passer le plus au sud possible de la zone de tir, et je trace ma route. Des dauphins viennent jouer avec Øya pendant une quarantaine de minutes, eux ils s’en foutent des Mirages. On les distingue très bien de nuit car leur sillage s’illumine grâce au phytoplancton bioluminescent. C’est assez magique comme spectacle. Le vent tombe, Øya s’arrête quasiment et les dauphins aussi, quand le vent reprend ils accélèrent et si je frappe sur la coque ils se rapprochent un peu plus. Bref on s’amuse bien sous la voûte céleste !

Celle-ci me rend d’ailleurs bien service. Le compas de route d’Øya ne fonctionnant pas, je me repère à l’étoile polaire pour tenir mon cap. Ça serait bien quand-même, vraiment bien, d’avoir un compas qui marche…

Je rejoins le nuage des petits feux de mouillage des bateaux déjà présents aux sables rouges de l’île de Groix, je mouille l’ancre et ferme les yeux vers 4H30. C’était bien.

Le déconfinement, le vrai

J’ai eu le plaisir de recevoir à bord ma cousine une journée, puis les copains pendant presque une semaine. Ça fait du bien de revoir des visages que je n’avais pas vus depuis des mois.

La dream team !

Comme d’habitude Laure assure une organisation impeccable et on se retrouve enfin tous à bord pour une première soirée. L’ambiance est top ! Malheureusement la météo s’annonce grisâtre et le vent variable… Nous sortons le lendemain du port, et dès la sortie de la rade on perd deux équipiers, Laure se sent bien uniquement quand elle est immobile tandis que Dorian a tous les symptômes du Choléra. Joris, lui qui a peur du bateau, pète la forme et je l’exploite au maximum.

On fera un tour à Groix, puis un mouillage, et on finira la semaine à faire la fête au port. Quitte à se voir, autant être en forme plutôt que de s’obstiner à naviguer dans un temps grisâtre. La fondue savoyarde fin juin c’est quand même pas mal !

Au revoir Lorient, cap au sud

On est samedi 4 Juillet, les tarifs du port sont passés en haute saison, c’est à dire 30€ la nuit contre 16€ avant. Les copains sont partis, je meurs d’envie de partir mais le ciel est couvert d’un épais brouillard et il souffle 6 Beauforts dehors. Je paie mes 30€ et bricole je ne sais plus quoi.

D’île en île

C’est le lendemain que je pars avec un brouillard un peu moins épais et 4-5 Beaufort direction Belle-île. La route se passe impeccablement bien, je commence à la connaître celle-là… Je bats mon record de vitesse avec 7 nœuds en route surface. Øya est certes sur-toilée mais pour une coque acier c’est pas mal du tout ! Je contourne l’île par le nord et mouille l’ancre à Locmaria. Le soir même des gens font un feu d’artifice sur la plage, quel accueil ! J’y resterai quelques jours.
J’y retrouve peu après les copains d’Incognito, apéros, avaries, collision avec le voisin Anglais et bonne ambiance sont au rendez-vous !

Le mouillage des Soux à l’île d’Yeu. Øya est le second bateau en partant de la droite.

Je poursuis ma route vers l’île d’Yeu où je mouille l’ancre assez proche de la plage pour être le plus abrité. Je suis un peu sceptique quant à mon positionnement mais en théorie tout coïncide: la carte n’indique pas de rochers à proximité et 2m de fond à marée basse. J’ai bien revérifié mon calcul puisque je suis arrivé à marée haute, pris en compte la bascule de vent vers le nord-est dans la nuit. Tout colle donc je reste, mais je mets quand même un réveil pour 3H du matin, avant la marée basse « au cas où ».

Je me réveille spontanément vers 2H30, le bruit des vagues se brisant sur la plage change peu à peu depuis quelques minutes et je sors vérifier. Une bande de rochers parallèles au bateau dépassent de 50cm hors de l’eau et sont à environ 3m d’Øya. Bon voilà, c’est pas passé loin ! Je lève donc l’ancre et pars mouiller plus loin tout au fond pour finir de dormir.
Je retourne sur les lieux le lendemain avec mon annexe, et effectivement cette bande rocheuse n’est pas indiquée sur la carte, elle est pourtant en plein milieu, et elle est balaise ! J’aurais dû suivre mon instinct dès le départ et mouiller loin pour la première nuit et ensuite voir ce que ça donne de jour à marée basse. Ça s’appelle l’expérience.

Virée dans le golfe de Gascogne

La suite du programme consiste à descendre jusqu’à Capbreton pour y passer une semaine en famille. J’ai fait la traversée en trois jours et trois nuits. Enfin le large ! L’absence de côtes m’avait manqué. Je dors tout le temps et à la fois jamais. Au bout des trois jours j’ai l’impression que mon organisme s’est déjà bien habitué au sommeil polyphasique. Pour assurer la veille je me lève observer les 360 degrés de l’horizon toutes les 30 minutes au moins et ce 24H/24. On s’y habitue. Comme c’est l’été, les conditions sont très faciles et je n’ai pas de manœuvre fatigante à faire. J’ai passé beaucoup de temps à apprendre à régler mon régulateur d’allure. C’est lui qui barre pendant que je fais autre chose et comme je débute, mon sillage n’a pas été franchement des plus rectilignes !

Un thon germons remonté dans le golfe de Gascogne, au nord-est du canyon de cap Ferret par 110m de fond.

Pendant un calme estival, j’ai eu l’occasion de pêcher un thon germon de 80cm dont j’estime le poids entre 10 et 12kg. Dommage que ma balance à poisson s’arrête à 6kg… Une belle bête constituée à 90% de muscles. Toute la famille en profitera ! J’offre la queue à mon filleul, pour le plus grand bonheur de sa mère.

C’est un soulagement de quitter le secteur Groix-Belle-Île. Je n’ai pas quitté les environs depuis Janvier alors que je devais partir vers le nord en Mars.


Ce départ marque l’aboutissement de presque deux ans de préparation. J’avais eu l’idée de vivre ainsi en Juillet 2018 quand Joris et Cléa étaient venus me rendre visite sur mon bateau à Oslo. Deux ans… Ça parait long et parfois ça l’a été.

Aujourd’hui toutes les cases sont cochées, tout est en place.

Même si tout est loin d’être parfait je n’ai plus qu’à tracer ma route, réparer l’usure normale, améliorer ce qui est améliorable et vivre tout simplement.

Tiens d’ailleurs, vis-à-vis des 6 règles qui sont en page d’accueil:

  1. Vivre sur mon voilier 👉 depuis le 3 Janvier ✔️
  2. Travailler 👉 depuis le 13 Avril ✔️
  3. Voyager… ⬜️
  4. Expérimenter tout et n’importe quoi 👉 depuis toujours ✔️
  5. Ne pas devenir marginal 👉 confinement festif ✔️
  6. Se marrer et être heureux 👉 évidemment ✔️

Il n’y a plus qu’à voyager… Et ça se passe maintenant !