Ok, cette fois j’ai vraiment fini de commencer ! Je sais ce que je veux, où je vais, sur tous les aspects. Basé à Portimão, mon rythme « surf – boulot – bricolage – dodo » est bien établi et j’envisage à nouveau le futur tout en retrouvant une vie sociale. C’est justement ce dont je parle dans cet article.

Session bière-surf !

Déjà deux ans que j’ai « tout quitté » pour ce projet et c’est maintenant que tout commence pour de vrai. Le printemps s’articule autour de quelques axes passionnants: une mission pro, des travaux, un planning estival à prévoir et une vie sociale hors du commun.

La mission pro

Quel plaisir de retravailler, en cette période de Covid-19 je mesure la chance que j’ai et je la savoure au maximum.

J’ai aménagé la disposition d’Øya pour pouvoir travailler confortablement. Ce n’est vraiment pas l’idéal mais pour l’instant c’est suffisant. Mon client est Français, avec une heure de décalage ça ne pose pas de problème. Par chance la 4G est excellente ici et j’utilise des cartes prépayées de Vodafone qui reviennent à 1€ par jour pour une excellente connexion illimitée: c’est parfait.

Pour cette mission je suis au port car c’est la basse saison, je n’ai donc aucun souci avec l’eau et l’électricité. C’est d’ailleurs pour cette raison que ma mission se termine à la fin du mois de mai, au 1er juin les tarifs passent en haute saison. L’ordre de grandeur est le suivant: en basse saison c’est 360€ le mois contre 900€ en haute. Hors taxes bien sûr, car au Portugal les tarifs des marina sont indiquées en hors-taxe, il faut le savoir ! Donc à partir du mois de juin, je dois partir naviguer… Dommage !

Mais le temps passe vite, et c’est déjà le printemps. L’usure normale d’Øya me rattrape: je vois ici et là des petits détails qui ne trompent pas, il faut absolument que je fasse l’entretien.

Des travaux, beaucoup de travaux

Pour mon premier véritable voyage, j’avais volontairement changé le moins de choses possibles sur Øya, afin de ne faire que des choses qui sont pertinentes. Selon moi, c’est primordial de ne pas se précipiter ni gaspiller du temps, de l’énergie et surtout de l’argent que de toute manière je n’avais pas.

Le chantier principal de la saison est la construction des nouveaux réservoirs d’eau douce. Une fois en faisant le plein d’eau la pompe de cale s’est mise en route car un des réservoirs souples s’était mis à fuir, je remplissais donc le bateau. C’est alors que je me suis lancé dans la refonte du circuit d’eau douce d’Øya.

J’utilise du contre-plaqué, de la résine époxy et de la fibre de verre. La menuiserie est une discipline passionnante, certes. L’époxy un peu moins surtout quand on doit le manipuler sur la table à carte. Pire, la découpe du tissu de verre produit des petits poils qui se logent de partout. Travailler ces matériaux dans le bateau entre la cuisine, mon lit et mon bureau de travail, sans les planchers puisque c’est là que je dois faire les réservoirs rend la tâche pénible et la vie fatigante.

Pause surf

Si encore je n’avais que ça à faire, je pourrais aller rapidement mais en travaillant la semaine et les journées étant toujours assez courtes je n’ai d’autre choix que de vivre dans le chantier qui dure depuis le 18 février. À l’heure où j’écris cet article les réservoirs sont posés mais il faut encore faire les branchements et autres finitions. Je vois le bout du tunnel mais j’en suis encore bien loin.
Pour avancer suffisamment j’ai vraiment optimisé mon utilisation du temps et travaillé en flux tendu sur tous les fronts et bien souvent week-end inclus. À un certain moment, j’ai clairement ressenti le besoin de réduire la cadence. C’est en fait très difficile de trouver un rythme optimal sans se surmener.

J’ai plein d’autres choses à faire, mais un chantier à la fois. L’eau douce d’abord, le reste viendra ensuite.

Portimão vs Lagos

La raison pour laquelle j’avais déménagé à Portimão était principalement financière. Portimão est un bon abri, on peut y rester par tout secteur de vent au mouillage, ce qui n’est pas possible à Lagos à moins de payer le port.

Portimão n’est pas une ville fun. Vous y rencontrerez certainement des gens sympathiques en pleine saison, mais pendant la pandémie je n’ai pas réussi à me faire un groupe d’amis. Les surfers que j’ai rencontrés à Praia da Rocha sont quasiment tous des locaux qui répondent à peine lorsqu’on leur dit bonjour. Si vous voulez vraiment surfer, il faudra rouler vers l’est pendant quelques dizaines de kilomètres, c’est plutôt loin. Ça se fait très bien, je le fais moi-même, mais c’est toujours dommage de brûler plus d’essence et de gaspiller 40 minutes à chaque trajet. En revanche, vous trouverez de grands magasins à Portimão comme Decathlon, Leroy Merlin et des spécialistes comme Esinox. Ces derniers vous fabriqueront la pièce dont vous avez besoin en inox probablement pour un tarif intéressant. Le port de Portimão est très bien, il est cher mais on est en Algarve et il reste moins cher que celui de Lagos.

Lagos est complètement différent. Cette ville est plus touristique et vous pourrez plus facilement vous y faire des amis. Même si vous êtes timide, il suffit de se rendre dans quelques bars et de parler aux gens. Il sera peut-être difficile de rencontrer des locaux cela dit, ce n’est pas l’endroit idéal pour apprendre le Portugais. Si vous avez besoin d’équipement un tout petit peu spécifique vous serez alors très rapidement limité car le Bricomarché n’est pas très bien fourni et les drogueries Inova du centre ville quoi que proposant une offre très complète restent malgré tout basiques. Lagos est bien plus proche de la côte ouest et vous pourrez facilement atteindre Arrifana, Sagres ainsi que tous les spots de surf de la côte sud en un temps très raisonnable. Portimão n’est pas beaucoup plus loin en route directe, mais la lagune d’Alvor qui se situe entre les deux impose un grand détour.

Pour résumer, si vous voulez vous amuser allez à Lagos. Si vous voulez construire quelque chose allez à Lagos et louez une voiture quand vous avez besoin de matériel. Dans le cas où vous voudriez rester gratuitement au mouillage allez dans la lagune d’Alvor mais vous allez probablement vous échouer sur un banc de sable, sinon allez dans la rivière de Portimão. Tout n’est pas non plus moche à Portimão, j’y ai rencontré Anne et Xavier à bord de Mojito. Ce très sympathique couple du Morbihan est fan du coin et n’arrive pas à lever l’ancre et traverser pour les Azores!

Dans les deux cas, les magasins d’accastillage des deux villes sont détenus par la même compagnie qui s’appelle Sopromar. Ils pratiquent des tarifs indécents pour les équipements les plus basiques, jusqu’à trois fois le prix habituel. Par contre la taille du magasin de Lagos est impressionnant, on dit que c’est le plus grand d’Europe. Enfin, et peut-être grâce à la crise j’ai pu avoir un tarif intéressant sur ma nouvelle annexe: 20% sur l’annexe et 15% sur le moteur. Un tarif imbattable même sur internet, comme quoi, tout est possible.

La vie, la vraie

Certes, je travaille pour ma freelance et améliore Øya. À l’occasion de ce chantier j’ai loué une voiture pour me simplifier l’approvisionnement en outillage, matières premières, et éventuellement visiter un peu le coin.

Des Allemands ! Février 2021

Depuis mon arrivée en Octobre je n’ai rien vu de l’Algarve. J’ai tout à coup découvert des paysages verdoyants, moi qui n’avais que vu les rochers rouges et le sable jaune foncé de la côte. En quelques temps j’ai pu rencontrer une dizaine de personnes grâce au surf et aux applications de rencontres. Ça change des retraités britanniques, ils sont sympas mais je suis normal: j’ai besoin de fréquenter des gens de ma génération. Finalement, il suffisait d’être mobile !

Une bulle hors du commun

Le COVID-19 a mis le marché des locations de vacances à plat, les propriétaires ont donc coupé leurs tarifs et beaucoup d’étrangers dans la vingtaine et la trentaine profitent de leur télétravail pour venir ici quelques mois à un prix impensable avant la crise.

Le processus est simple: j’ai rencontré une personne sur Tinder qui faisait du surf. Elle m’a présenté à ses amis à Salema. Ensuite quelqu’un d’autre m’a ajouté à un groupe WhatsApp de surfers, partant de là j’ai rencontré trois autres personnes qui m’ont invité à un barbecue dans une villa avec leur amis. Depuis, le groupe n’arrête pas de vivre.

Avec le recul, je pense que ces quelques mois de confinement sur mon ponton avec mon ordinateur et mes pinceaux d’époxy m’ont sévèrement affecté. La première soirée est un mélange de culpabilité à rencontrer des gens, le premier bisou est un coup de massue qui fait comprendre à quel point ces confinements m’ont rendu complètement inerte. Le temps s’accélère au rythme des barbecues qui ne finissent jamais de s’enchainer à tours de bras, dans une villa, puis une autre, sur la plage et même dans le cockpit d’Øya ! Sacré changement !

Une villa à Meia Praia, Lagos

Les gens sont bien… Les gens, c’est bien.

Ils vont et viennent, arrivent de Paris, Stuttgart, Milan, Londres, le Brésil, la Californie, Russie, Afrique du sud, Nouvelle Zélande et parfois du Portugal. Lagos est une bulle improbable épargnée par le COVID-19, aucun d’entre nous n’a été déclaré positif jusqu’ici. L’avenir ne va pas vraiment plus loin qu’à « dans deux semaines ». Même si cette effervescence est condamnée à être éphémère, les souvenirs resteront.

10 à bord d’Øya, huitres, crabe, dorades au barbecue!

Dans ces moments-là je ressens souvent la nostalgie du présent. Il s’agit juste de profiter du moment et de la chance qu’on a. Cette aventure est un très bon passage de la vie. C’est invraisemblable de réaliser à quel point j’étais devenu apathique. Je déroulais mon programme logiquement, comme planifié, faisant du surf pour rendre le tout agréable. Ça l’était bien sûr, mais faire les meilleures activités du monde seul n’est pas comparable à les faire avec des amis. Les interactions sociales sont bien plus importantes que je ne le pensais, même pour ceux qui comme moi ont besoin plus que les autres de faire leurs affaires en solitaire. Je pense souvent à ceux qui passent leur confinement dans un appartement de 20m2 avec beaucoup de compassion.

La règle 5 « ne pas devenir marginal » est fondamentale.

J’apprécie au maximum cette bulle, je n’oublie jamais ce qui arrive à grand pas: le programme de navigation.

L’ambition 2021

Maintenant que les objectifs posés il y a deux ans sont plutôt atteints, la question qui vient naturellement se poser est : que faire ? Bien sûr, la réponse est tout autant naturelle: naviguer, faire du mille nautique !

Départ prévu autour du 1er juin en fonction de la météo.

Raz-le-bol de Portimão, vive Lagos

Petit tour en Méditerranée

Sur ce point-là, j’ai une bonne marge de progression et je compte mettre la barre haute cette année. En 2020 j’ai fait environ 2000 mille nautiques. Cet été j’aimerais en faire plus. Le programme est donc le suivant:

  • Portimão – les Baléares
  • Les Baléares – Marseille
  • Marseille – Bastia via nice
  • Bastia – Minorque via Bonifacio
  • Minorque – Lagos

Soit un total de 4000Mn à 4500Mn. C’est bien évidement un projet beaucoup trop ambitieux ! Mais tant pis, je préfère avoir un programme trop chargé et le réduire plutôt que l’inverse.

J’ai peur

Je vais passer le détroit de Gibraltar avec sa réputation, entrer en Méditerranée où la météo est capricieuse et la mer courte et hachée. Là-dedans, je ne m’attends pas à avoir de belle fenêtres météo qui me permettraient de faire quelques centaines de milles d’une traite. Je m’attends à être contraint de faire du cabotage et à avancer à petit pas, en navigation de jour, profitant de la brise thermique ou du moteur pendant les grands calmes.

Mon appréhension est normale mais même si je passe des moments exceptionnels ici je serai content de larguer les amarres. Partir, c’est toujours le plus compliqué. Une fois lancé, il n’y a plus qu’à faire.

Au cours d’un long voyage, nous parcourons tantôt de bons chemins, tantôt de mauvais. Si les charmes d’un paysage agréable nous incitaient à nous arrêter pour en jouir continuellement, ou bien si les difficultés du mauvais chemin nous faisaient renoncer à aller de l’avant, jamais nous n’atteindrions notre but.

Bokar Rimpoché

Idéalement, je voudrais aller aux Canaries et peut-être traverser l’Atlantique à la fin de l’année, changer de continent. Si je traîne en Méditerranée j’ai peur de m’y plaire et y rester coincé, ce qui serait dommage.

En fait je n’ai pas vraiment envie d’aller en Méditerranée. J’ai besoin d’aller aux Baléares, là où on faisait du bateau en famille quand j’étais petit. Une fois le lien retrouvé avec ces vieux souvenirs oubliés je pourrais écrire toutes ces nouvelles pages de ma vie qui n’attendent que ça. J’ai en fait réalisé à quel point c’était important pour moi pendant mon voyage à destination de Lagos.
De plus, j’aurai là-bas le plaisir d’accueillir ma sœur nièce et neveu à bord pour une semaine de vacances ! Ça va être une très bonne semaine !

Les Baléares seront donc l’unique objectif ferme de l’été et le reste des objectifs secondaires. Quant à l’Adriatique, les Cyclades et autres mers Égée je les visiterai plus tard en prenant le temps, correctement. La vie est longue !

La peur que je ressens est une peur saine, la peur de l’inconnu, celle qui fait que je suis vivant, plus que jamais. J’ai hâte de larguer les amarres !


Coucher de soleil à Salema

Il semblerait que mon ambition initiale se mette en place: alterner entre périodes de travail intense et voyages. Mon rythme est devenu saisonnier et il changera souvent. Pour l’instant je trouve ça vraiment plaisant, cette vie me conviendra certainement pendant quelques temps.

Je ne sais pas trop là où tout ça me mènera, je verrai bien. De toute manière plus on s’attache aux objectifs et plus on est déçu. Si jamais mes envies changent alors j’adapterais mon programme.

C’était ça, la vie dont je rêvais, et je rêve encore plus maintenant que je la vis.