Nous sommes déjà le 6 juin lorsque nous arrivons (encore) au moteur à Pollença, une charmante petite ville tout au nord de Majorque. Je contacte les boutiques pour trouver ce fichu filtre qui nous manque cruellement. Sans annexe, nous sommes paralysés et ce détail commence à prendre de la place dans mon esprit.
Et pour cause, nous travaillons tous les deux à bord. Øya étant un petit bateau, nous avions prévu de venir à terre pour travailler depuis de petits cafés loin des terrasses touristiques et bruyantes. Mais sans annexe, nous sommes contraints de rester à bord. Raquel est psychologue, je suis ingénieur. Son métier consiste à parler sous le sceau du secret médical tandis que moi j’ai besoin de calme et d’obscurité pour voir mon écran.
Notre bureau et chambre à la fois
C’est un problème ! Øya n’a pas de cabine, donc quand Raquel a une session, je dois sortir. Bien heureusement j’avais prévu de travailler à temps partiel, donc c’est gérable sur le court terme, mais ce n’est pas une situation d’avenir, pas du tout !
Nous faisons alors un point sur la situation. Je le fais généralement de mon côté pour mettre à jour mes objectifs mensuels. Notre diagnostic est sans appel, la liste des priorités devient la suivante :
- Réparer ce moteur d’annexe pour de bon
- Réduire notre ambition de navigation
- Changer de bateau
En ce qui concerne la réparation du moteur, j’ai fait un article dédié sur le sujet car la médiocrité de Honda Marine mérite bel et bien d’être formalisée dans un article spécifique. L’histoire a traîné presque un mois et demi et au final le mécano attend toujours son paiement tandis que le moteur a été réparé par mes soins.
Réduire notre plan de navigation
Maintenant que nous avons une annexe opérationnelle, nous souhaitons profiter de l’été sans stresser. Nous décidons donc de poursuivre notre périple aux Baléares. Après tout, il y a pire !
Nous aurons quasiment tout vu: le sud de Majorque, le tour de Minorque, le nord de Majorque, Ibiza du nord au sud et Formentera. Ensuite, nous laisserons Øya à Valencia pour tout le mois d’août avant de partir en vacances en famille et à terre.
Enfin, en fonction de ce que diront les banques, nous changerons de bateau.
En bleu, ce que nous avons fait.
En rouge, ce que nous avons annulé.
Changer de bateau
Øya, mon cher bureau, mon voilier, ma maison flottante !
J’ai commencé la décennie avec elle. Avec elle, je me suis confiné avant le Covid-19, j’ai démarré mon entreprise, je suis devenu heureux. Avec elle, je voulais aller en Norvège, faire un tour dans le nord de l’Atlantique et j’ai aussi envisagé l’Atlantique sud. Mais Øya en a décidé autrement et elle m’a mené tout droit vers Raquel, avec qui nous souhaitons poursuivre notre sillage d’amour et de bonheur.
Øya à Algaiarens, vue du ciel
Øya est plutôt un voilier de célibataire solitaire ou de jeunes aventuriers, un voilier rustique et marin qui aime la tourmente, faire des milles et dont la coque en acier n’a pas peur des eaux froides et parfois solides du Grand Nord. Un bateau ne peut pas avoir tous les avantages sans inconvénient. Øya ne convient pas à la vie d’un couple de digital nomads qui doit pouvoir vivre et travailler à bord, au port comme au mouillage. Seul, je me suis découvert des capacités insoupçonnées, j’ai affronté mes peurs et voyagé vers des souvenirs oubliés. Je me suis retrouvé.
Je me souviens sur la côte portugaise entre Lisbonne et Cabo San Vicente, je levais l’ancre tôt le matin pendant que mes voisins de mouillage dormaient encore. Une fois arrivé, je mouillais l’ancre pendant qu’ils allaient se coucher. Je ne suis pas régatier dans l’âme et je suis patient, mais parfois un peu plus de vitesse dans le petit temps m’aurait permis de visiter un peu plus les côtes que j’ai parcourues. Et puis c’est vexant d’être à la traîne!
Inversement, je me souviens parfaitement des 4m de creux entre la Corse et Minorque, sous 35nd de vent établis de voir Øya révéler toutes ses qualités. Stable comme sur un rail, Øya remontait au près sans aucun problème dans ces conditions musclées. Je doute m’être senti autant en sécurité dans un voilier du même gabari en polyester…
On ne peut pas tout avoir.
Passage de Cabo de Gata en 2021 avec un ri dans la trinquette !