Voici un article qui arrive un peu tard, mais qui me tient à coeur de partager avec vous ! Cette année nous avons changé de voilier, découvert le nouveau et voyagé tout en travaillant à plein temps en ligne. Raquel est même allée plus loin, elle a repris les études!

Précédemment j’expliquais comment l’acquisition de Menyr s’était passée. Dans cet article, tout commence là où nous l’avons acheté: au petit port d’Anglet situé à côté de Bayonne dans le pays Basque.

Un programme sympa

  1. Appareiller à Anglet au Pays Basque
  2. Faire une formation médicale au Grau du Roi
  3. Ramener Menyr à Lagos au Portugal
  4. Y retrouver nos affaires depuis un garde-meuble
  5. Traverser vers Lanzarote aux Canaries.

En début de saison, facile!
En plus du pays Basque à Lagos, je l’ai déjà fait en solitaire en 2020 !

Débuts difficiles…

Nous sommes bien au début du mois de mai 2023, à bord de notre magnifique voilier. Il faut que l’on trouve nos marques à bord dans dans le petit port sans prétention de Anglet au pays Basque.

Raquel découvre un pont spacieux

À Anglet, il y a un problème avec des « gens du voyage » sédentarisés et qui embêtent les plaisanciers. Nous avons étés accueillis d’une manière tout à fait particulière par des personnes qui voulaient nous intimider et nous faire comprendre que c’était eux les rois du ponton. La mayonnaise n’a pas prise car ils ont vite compris qu’on était plus nomades qu’eux et que l’on ne resterait pas. En plus je suis poli j’ai dit bonjour le premier!

À part ça nous allons quelques fois en ville, à chaque fois nous sommes témoin d’une scène: un drogué hurle sur l’autre dans le bus, le lendemain une dame visuellement respectable insulte une autre dans sa voiture, la veille un gars criait dans sa voiture car personne ne le laissait passer au stop. Inversement, notre voisin de ponton qui était un menuisier à la retraite nous a construit pour une modique somme une tablette rabattante qui nous permet de transformer notre cabine arrière en bureau. C’était spontané et tout à fait bienvenu car nous allons travailler à plein temps pendant tout notre voyage. Nous ne nous sentons pas spécialement à l’aise ici, on a l’impression que toute situation banale peu basculer d’une minute à l’autre.

Passer commande au mois de mai

L’idée, c’était de rejoindre La Corogne avant le 23 Juin, arrivés à Anglet début mai c’était plutôt large!

Il se trouve que nous devions mettre le nouveau nom du bateau dessus, car c’est la loi, il faut avoir le marquage règlementaire. Nous avons commandé l’autocollant début mai et comme en France personne ne travaille pendant ce mois-ci nous ne l’avons pas reçu avant début juin. J’avais tout de même demandé si les délais allaient vraiment être impactés avant de passer commande et apriori il y en aurait pour deux semaines au lieu d’une. Mensonge!

Raquel applique le marquage temporaire au scotch, faute d’avoir reçu le permanent à temps !

Nous avons quitté le port d’Anglet avec un nom fait au scotch et nous reçu l’autocollant à Hendaye. Car j’ai tout de même râlé, et la personne au téléphone avait dit « on est pas des robots » mais sachant pertinemment qu’ils avaient tord ils ont bien voulu l’envoyer à une autre adresse.

Ça y est ! Nous avons donc fait notre rituel de renommage du bateau comme il se doit, et nous sommes parti d’Anglet !

Au port de Hendaye, nous confions le changement de nom sur le lazy bag de la grand-voile à un maître voilier espagnol fort sympathique, c’est fait en 4 jours et livré au port sur le ponton !

Parfait, nous sommes prêts à partir. Le lendemain matin, des jeunes fêtards ivres ont essayé de nous voler l’annexe qui était sur le pont du bateau. Je leur avais couru après en slip à 6h du matin, si j’en avais chopé un il aurait senti passé !

Nous sommes la première semaine de juin, il est temps de dégager d’ici !

Nord de l’Espagne: la découverte de notre bateau

Le pays Basque, avant d’arriver au port de Bilbao

Il y a peu de vent lorsque nous quittons le port, la météo est parfaite pour notre seconde navigation à bord de Menyr, voir trop peu de vent, nous utiliserons le moteur la moitié du trajet… Nous traversons la frontière, et mouillerons 30Mn plus loin à Ondarroa, petit mouillage à peu près protégé de la houle. Le lendemain nous repartirons au matin en direction de Bilbao, là aussi nous manquerons de vent et utiliserons le moteur les trois quarts du trajets.

Nous arrivons au port de Bilbao. Menyr mesure 13.09, mais sur les papiers il est marqué 12.64m. L’avantage financier est non négligeable, au lieu de payer une place pour 13-15m on paie pour 12-13m. L’inconvénient étant que la place est plus petite, plus serrée. En l’occurrence nous avions aussi le pilonne qui tient le ponton sur notre place, arrivé en marche arrière et peu habile, nous avons fait notre premier pet sur le tableau arrière! Le trauma est immédiat, il y a une tâche blanche sur ce beau tableau arrière bleu nuit scintillant! La honte… Surtout que ce n’est pas le premier, avant notre aménagement à Anglet, Menyr était resté seul pendant un mois. Les amarres s’étaient détendues et le tableau arrière s’était abimé sur le ponton, également, un pet de 2cm2.

Bref, on avale la pastille le lendemain était un lundi, début d’une semaine de travail.

Ainsi commence notre itinérance. Nous voyagerons le soir, en faisant des sauts de puces au moteur car nous n’avons plus jamais eu le vent: Castro Urdiales, Laredo, mouillage à Santander.

Le début des pannes

À Santander nous nous sommes aperçu que le propulseur d’étrave ne fonctionnait plus. Ce petit moteur électrique qui permet de faire pivoter le bateau sur lui-même facilite énormément les manoeuvres de port. À force de brule du gazole, nous avons du faire le plein à la petite pompe flottante située tout au fond du petit port de Santander. Y aller fut trivial, mais faire ensuite le demi-tour pour ressortir fut rock’n’roll, avec une foule de gens à nous regarder galérer qui a fini par nous applaudir quant on a enfin pu sortir. On ne savait pas trop comment le prendre.

Ce propulseur d’étrave m’embête un peu, des fois il marche, des fois non. Je constate aussi une fuite d’huile sous le moteur, pas grand chose mais il faut surveiller.

Nous poursuivons le weekend et les jours suivants: Playas de Mendia, Gijon, Luanco, Ribadeo, O Porto de Bares, Ares et enfin Sada. Nous sommes parti de Gijon sous les grains et les coups de tonnerre. De Luanco à Ribadeo nous avons pu hisser les voiles, et la plupart du reste se fit en alternant voile et moteur!

Sous le moteur d’ailleurs, je vois maintenant des petits bouts de caoutchouc dans l’huile qui fuit toujours autant…

Arrivés à Sada dans les temps, nous sommes le 21 juin 2023, c’est l’été et mon avions décolle le 23 pour faire ma formation médicale océanique à La Grande Motte.
Premier objectif atteint ✅


Week-end de formation médicale

L’été je disais… Mon avion qui devait décoller de La Corogne a été annulé en raison du brouillard, heureusement ma correspondance à Barcelone était 6 heures plus tard… J’avais loué une voiture à Marseille sur OuiCar, la seule voiture disponible à ce moment-là semblait un peut douteuse mais je n’avais pas eu le choix.

Effectivement, après une randonnée à travers champs parmi les seringues puis autres déchets en tout genre le long de la nationale j’ai bien trouvé la voiture. Le contrôle technique était bon, mais elle ne fermait pas à clef, bienvenu à Marseille !

La Formation Médicale Océanique est organisée par le docteur Vincent Délire, lui même marin et secouriste en mer. Les deux jours se déroulent très bien, je rencontre des personnes sympathiques qui ont tous de superbes projets: tour du monde, de l’Atlantique nord, en famille ou entre amis.

La formation médicale océanique de MediDistance est organisée par le docteur Vincent Délire.

Tous vont vers le sud avec un arrêt aux Canaries, que ce soit au départ de la Méditerranée ou la Bretagne. Nous avons donc évoqué la problématique des orques, car ils sont sur le passage, de Gibraltar jusqu’à la bretagne suivant la saison… C’est un vrai problème, certains bateaux ont étés coulés ! Depuis décembre 2022 je suis les mouvements des orques grâce au groupe Telegram de Orcas.pt où des milliers de navigateurs passant dans les zones fréquentés par les orques mangeurs de gouvernailles partagent les infos. On sait où ils sont et on les suit.

Justement, pendant que je suis à La Grande Motte les orques qui sont tous regroupés entre Trafalgar et Gibraltar en hivers ont commencé leur migration vers la Bretagne. Autrement dit ils font exactement notre route mais dans le sens inverse: on va les croiser !

Nous avons appris l’existence de toute sorte de dangers insoupsonnés. La moralité de la formation, pour ma part en tout cas était qu’il ne faut surtout pas que l’accident arrive et si c’est le cas, il faut la pharmacie de bord qui va avec. Pour savoir s’en servir, il faut réviser le cours très régulièrement ! Il faut aussi avoir un moyen de communication satellite pour pouvoir établir une communication avec le CCMM de Toulouse. Ayant (entre autres) recousu des pates de cochon pendant la formation, les gestes demandés par le médecin au bout du fils seront moins maladroits.

URSSAF au large des côtes Portuguaises

De retour après ma formation expresse à bord de Menyr, je suis seul car Raquel a eu besoin de repos après ces navigations combinés au travail. J’ai donc décidé de faire la Galice en solitaire et de profiter de la toute première fenêtre météo favorable pour notre destination: Lagos, tout au sud du Portugal.

Je fais peu de soudure à l’étain pour réparer les connexions que je suspecte d’être à l’origine de la panne du propulseur d’étrave, en vain. Vient ensuite l’avitaillement, je récupère également nos extincteurs sortis de la révision et je largue les amarres le lendemain au lever du jour. Je n’ai pas de temps à perdre car les Orques sont déjà au niveau de Cap Saint Vincent.

Je rejoins le vent à mesure que je sors de la rìa et passe cap finistère pour mouiller à Louro. J’aurais passé une bonne partie de la journée accompagné des dauphins. Le lendemain, je passe au large de Illa de Ons, puis profite du venturi entre Cies et la terre. En vérité je me suis fait surprendre, je ne pensais pas devoir prendre les deux ris de la grand voile alors que j’étais au moteur un mile avant! Dernier mouillage en Espagne à Playa de Barra, demain on part pour la navigation la plus longue de mon parcours en solo: 175Mn pour atteindre Péniche, au Portugal.

175Mn c’est en ligne droite, et 35h avec une moyenne à 4nd. Le vent prévu s’établir de secteur nord à 20 noeuds sur les prochains jours avec une pointe à 25 / 30 dans la nuit, je ne suis donc pas inquiet pour la moyenne de vitesse. Les orques sont juste au sud de Lisbonne, je devrais arriver juste avant eux à Péniche. Là bas, je mouillerais tranquille abrité de la houle du nord pour le lendemain aller faire une pause au port pour une semaine le temps de me reposer et de laisser passer nos amis les orques.

Je remonte le mouillage le matin et rejoins ma superbe fenêtre météo en saluant Baiona, la dernière ville Espagnole avant la frontière. Menyr avance bien, la houle est d’un mètre environ et au portant on est à 6,5nd. Le vent et la houle vont monter progressivement toute la journée, j’ajuste la surface de toile en conséquence. J’enchaîne les empannages pour pratiquer, pour prendre du plaisir de manoeuvrer notre nouveau vaisseau. En fin de journée je décide de m’éloigner de la côte pour aller vers le large, loin des bouées de pêcheurs. Je suis le plus heureux, quand soudain…

M**DE on est le 30 juin, il est 23h heure à Paris et j’ai complètement oublié ma déclaration URSSAF !

J’ai encore un faible signal 4G donc j’ouvre mon ordi et fais ma compta in-extremis. La déclaration est soumise à temps, je perds le signal quelques minutes plus tard…

Le stresse des orques

Le vent a bien forcit et la houle a atteint les 3 mètres. Cela fait quelques temps que j’ai affalé la grand-voile et n’ai que la moitié du génois. La Lune est quasi pleine et on file à 8 noeuds ! Je suis content mais c’est la première fois que je navigue avec Menyr dans une mer un peu formée. Tout est nouveau, surtout le bruit du pilote automatique qui barre bien dans 2 mètres de houle mais pas aussi bien que le régulateur d’allure d’Øya dans les 4 mètres de creux que j’avais eu en Méditerranée. Je le sens forcer et consommer beaucoup d’électricité. En fait le bateau est déséquilibré, si j’avais un troisième ri dans la grand voile et un tangon je pourrais remettre la force vélique au centre du bateau et soulager le pilote automatique. J’observe et comprend mon bateau de mieux en mieux.

Je dégripe le guindeau qui n’avait pas été graissé depuis certainement des années!

La nuit passe, je dors par micro-siestes de 20 minutes et décide de me rapprocher de la côte pour aller trouver un peu de signal 4G. Environ 30 miles nautiques me séparent de Péniche, on va voir où sont les orques. Réponse formelle sur le groupe, ils ont été aperçus à Péniche même. Je reçois une position GPS qui les indique à quelques miles de moi. Fatigué et « un poil » effrayé par l’idée de me faire croquer le safran par ces bestioles de 6-8 mètres, je suis les conseils du groupe. Je rejoins alors la côte, navigue par 20m de fond et me déroute vers le port de Nazaré, à 20 miles au nord de Péniche.

À 20m de fond et 3m de houle au large ça fait de belles vagues à Nazaré ! J’esquive les bouées de pêcheurs à peine visibles au dernier moment. Nous sommes bien au Portugal, il y en a des dizaines, c’est un champ de mines ! Je me signal au port et précise avoir besoin d’une assistance au ponton car je suis seul. Je rentre au port exténué, mes amarres sont bien prêtes pour faire ma manoeuvre comme d’habitude. Le marinero qui m’accueille me dit de me mettre en marche avant et je suis ses conseils qui ne fonctionnent pas: je fais un gros pet dans l’étrave contre le ponton. Et de trois.

Je remplie les formalités, un brouillard épais tombe, on y voit pas à 30m. Je nettoie Menyr et dors.

Enchainer les miles, le travail, prendre l’avion, se presser pour passer avant les orques en solitaire en si peu de temps font beaucoup de pression pour une seule personne.
Les symptômes sont immédiats: c’est une anecdote rigolote que de dire que j’ai rempli ma déclaration URSSAFF par 25nds de vent au large du Portugal mais en fait c’est une conséquence du cumul de petites erreurs ici et là. De même, aller absolument au port de Nazaré alors que je suis pleinement conscient d’être fatigué montre que je n’avais pas prévu le cas du « et si les orques sont à Péniche? ».
Certains, beaucoup, la majorité des gens sont passés à travers les orques sans ne jamais les voir, il n’y a pas de raison de paniquer. Enfin, si j’avais été en pleine forme je n’aurais pas écouté le marinero, je serais resté capitaine de mon bateau et je l’aurais mis comme il faut en donnant moi, les consignes.

Analyse

Un air de déjà vu

Après une semaine de travail dans le froid du mois de Juillet à Nazaré (20 – 25 degrés max), je repars pour Péniche. J’y mouille dans l’avant port.

Des souvenirs me reviennent car Péniche, c’est là où j’avais atterri avec Øya en septembre 2020. À l’époque je n’avais pas d’annexe motorisée et je n’avais pas osé mouiller dans l’avant port. J’avais débarqué avec mon annexe en contre-plaqué en escaladant le brise-lame du port de 5m de haut le long de l’échelle rouillée avec l’amarre de l’annexe entre les dents. Les passants m’avaient regardé bizarrement.

Le lendemain je repars pour Caiscais à côté de Lisbonne, j’y arriverais après une bonne journée de navigation. Je ne suis pas au meilleurs de ma forme. J’ai perdu confiance en moi avec ce fiasco de Nazaré.

Toujours est-il que je fais une bonne moyenne et arrive avant la nuit.

En 2020 j’étais parti au lever du jour et arrivé tard quand tout le monde était au digestif. Cette fois-ci j’étais à l’heure pour l’apéro… et prêt à retrouver Raquel!

C’était le 9 juillet 2023, nous sommes à Lisbonne!