Après une laborieuse descente vers Lisbonne en solitaire, je retrouve Raquel qui avait dû partir travailler quelques temps. Entre la récupération de nos affaires, un chantier et une traversée de 5 jours, retour sur nos 4 mois de modestes aventures du Portugal jusqu’aux Canaries.
Retrouvailles à Caiscais
Peu après Raquel, les copains de Lady M. nous rejoignent à Lisbonne également. Il seront nos équipiers pour rejoindre l’Algarve tout au sud, là où nous avions vendu Øya au mois de février.
Nous quitterons Caiscais le 14 juillet pour naviguer tous ensemble à bord de Menyr vers l’Algarve. Nous observerons un Rorqual commun et son petit, un poisson Lune, des Dauphins… Mais pas d’orques, bien sûr ils sont en Galice maintenant !
Nous passons une partie de la nuit dans un brouillard épais, l’occasion de tester le radar en conditions réelles. Il marche très bien, nous arrivons à voir les bateau aux mêmes positions que sur l’AIS, c’est top ! Une heure après le radar tombe en panne mais le brouillard s’est levé. Il y a décidément de l’obsolescence à régler sur ce bateau…
Nous passons le mythique cap Saint Vincent et puis après deux – trois mouillages en face des plages où nous avions l’habitude de surfer, nous mouillons en face de Lagos.
Lagos
Étant en avarie de propulseur d’étrave j’ai demandé une place à la manœuvre simple, et le ponton d’honneur nous est attribué, la plus facile des manœuvres, nous sommes enfin arrivé et à l’abri à bon port.
Ici nous serons dans de bonnes conditions pour travailler, récupérer les affaires du garde-meuble et les trier.
Nous louons une voiture et Raquel pendant que je travaille Raquel parvient à vider les 3/4 du garde meuble. Je terminerais l’opération le lendemain pendant qu’à son tour elle travaille.
Nous rendons les clefs du garde meuble et nous n’avons plus qu’à trier nos affaires qui sont sur le ponton, en vrac.
Pollution sonore et collision au ponton d’honneur
En été le vent souffle ici, ce sont les alizés Portuguais. Le matin il n’y a pas un brin d’air et de midi à 18-19h il y a 20 nœuds établis.
Le ponton d’honneur n’a de sympa que le nom, car en pratique on est en plein dans le passage du port, en face du pont qui s’ouvre et se ferme toute la journée pour laisser passer les dizaines de bateaux à touristes et autres plaisanciers.
Ici, le bruit est infernal, il m’est impossible de me concentrer sur l’ordinateur. J’ai donc décidé d’investir dans un casque anti-bruit de qualité. Après ma course et le casque à peine configuré je suis fin prêt à le tester dans une réunion que j’avais moi-même organisé. C’est alors que je vois un vieux voilier d’environ 14m qui fonce droit sur nous, en travers du vent et manifestement « en galère ». Je me jète de l’ordinateur, hurle « Marche arrière » et repousse l’étrave de l’Irlandais pour amortir le choc.
Inévitablement, le bateau racle contre le martyr du taquet d’embelle de Menyr et tord le chandelier en inox d’à côté comme du beurre. Les astres se sont alignés pour que la collision se fasse sur une pièce prévu pour prendre des coups (le martyr) et également je ne comprends pas comment l’ancre de l’assaillant ne s’est pas accrochée à une filière. Dans ce cas là ça aurait été un autre niveau de réparations…
Bref le bateau fou lutte contre le vent, dans un sens puis dans l’autre, il se prend un ponton et un autre bateau avant d’arriver à se poser à quai. La personne à bord était fort sympathique et a naturellement payé la pièce. Vingt minutes plus tard, un bateau de 50 pieds est presque passé sous le pont poussé également par le vent…. Ici, tu as l’honneur d’être dans le passage !
À noter: la réparation se terminera finalement deux mois plus tard avec des frais de port deux fois plus élevés que la pièce. Manifestement Beneteau est d’une excellence remarquable pour ce qui est de fabriquer et vendre des bateaux mais particulièrement médiocre pour envoyer des pièces aux clients qui voyagent. C’est comme ça.
Nous réussissons à vendre l’annexe que nous avons eu avec Menyr, quelques babioles et donnons la plupart des autres choses que nous avons en double. Nous avons perdu beaucoup d’argent ici !!
Le principale est fait: nous avons récupéré nos affaires ! Mais quand est-ce qu’on se repose dans tout ça ?
Réparation de fortune avant le chantier
Le 30 juillet, nous quittons enfin le ponton d’honneur et partons vers Portimao. Nous mouillons dans l’eau sale de la rivière et retrouvons un calme relatif.
Prendant les semaines précécentes, j’avais pu faire mon enquête technique et me documenter au sujet du propulseur d’étrave. J’ai trouvé le moyen de diagnostiquer la panne et trouvé les fils à brancher entre eux pour le faire fonctionner sans passer par les boutons. J’avais alors déduit que le panneau de commande était à l’origine de la panne et j’avais commandé un neuf. Le notre étant évidemment obsolète et ne se fabrique plus, je n’avais pas eu le choix que d’en commander un qui « devrait le faire ».
Je profite du calme de la rivière pour étudier avec mon multimètre le câblage du nouveau contrôleur du propulseur. Je comprend rapidement qu’il n’est pas compatible avec notre propulseur, il va falloir que je fasse une adaptation. C’est donc à ce moment là que je rencontre OndaNautica, le mécanicien Volvo Penta qui va me ruiner pendant les deux mois à suivre. Cela dit, il a pu me fournir deux relais électrique qui m’ont permis de changer la logique du nouveau contrôleur et de refaire marcher le propulseur d’étrave!
Nous avons fait l’opération à bras levés comme on a pu, mais au final notre réparation de fortune a fonctionné !
Portimão: travaux très couteux
Le lendemain matin, nous amenons Menyr à la grue du chantier pour le mettre à sec. OndaNautica vient voir nos fuites: il faut changer le joint qui est tout au milieu du moteur, donc sortir le moteur. Un devis à 5 chiffres bien sûr.
Je demande à faire refaire l’antifouling avec option polish des gels coats et des inox ; et nous partons en vacances familiales. Enfin le vrai repos !
Après trois jours de vacances, ma hernie discale fait une crise, la première depuis 8 ans.
De retour de vacances début septembre, le dos toujours à moitié en compote nous vivons à bord, à deux mètres d’altitude. La remise à l’eau est prévue, les travaux ont été fait très proprement et j’ai confiance en la qualité délivrée par OndaNautica, elle semble à la hauteur du standard Volvo Penta, contrairement à Nautic Kim. Il reste quelques détails à régler comme le radeau de survie à faire réviser et à déplacer. Refaire au propre le câblage du propulseur d’étrave, comme je l’avais fait au mouillage je n’avais pas la puissance électrique nécessaire pour faire des soudures.
J’aimerais faire construire une cadène de bas étai par un soudeur, mais personne ne répond à mes demandes de devis. En fait, le marché du bateau est tellement saturé que les professionnels ont trop de clients, il en ont rien à faire. Je suis plus que las que de donner des sous au Portugal, on parle de milliers et le service est le même que si l’on parlait de centaines ou dizaines. L’infrastructure de Portimao est correcte, il y a le chantier des portugais et le notre, celui des touristes. Sur notre chantier il y a une liste de professionnels autorisés à travailler et leur tarif est bien sûr bien plus élevé que « la normale portuguaise ». J’accepte ma position de touriste, mais à la longue c’est usant. Surtout que je commence à les connaître, j’y suis passé trois fois, deux fois avec Øya et une fois avec Menyr !
Au mois de Septembre je reprends un avions pour rencontrer mon client, 10 jours plus tard nous accueillons nos équipiers.
Traversée vers les Canaries
Deux équipiers, une équipière, Raquel et moi-même. Nous les accueillons avec bonheur et larguons les amarres le lendemain. Ils sont arrivés avec la pharmacie de bord que j’avais commandé au Dr. Vincent Délire. Une pharmacie très chère mais indispensable pour notre programme. Nous faisons le plein d’eau, de gazole, mangeons un dernier restaurant au Portugal. Nous sommes le 10 octobre 2023.
La feņêtre météo est moyenne: nous allons manquer de vent. L’occasion de tester le moteur quasi refait à neuf ! Nous partons avec un peu de vent tout de même, ce qui fait du bien au moral: je regarde la côte Portuguaise s’éloigner avec satisfaction. Nous avançons jusqu’à quitter le territoire des orques, c’est à dire lorsque nous avons quitté le plateau continental, là où nous avons 3 000 mètres de fond sous la quille.
La route du Maroc
Pour aller aux Canaries depuis le Portugal le constat est simple soit il y a du vent du côté de Madère, soit du côté du Maroc. Il y a donc deux routes possibles. Dans notre cas il n’y avait pas beaucoup de vent prévu ni à Madère ni au Maroc… J’ai donc décidé de prendre la route du Maroc, au mieux nous avions une brise de terre, au pire nous mangions une tajine en attendant le vent. Dans tous les cas nous en longeant le Maroc nous avions la possibilité de récupérer un bulletin météo grace au réseau téléphone et ainsi voir l’évolution des prévisions.
Deux jours et demi de moteur donc… Avec la première nuit une panne vite réglée. L’alternateur ne chargeait plus car une cosse n’était pas bien serrée. Le lendemain un charriot de grand voile s’est défait.
Nous pêchons deux bonites que nous dégustons en sashimis! Nous ne croisons quasiment aucun bateau.
Le long du Maroc et de nuit nous croisons une constellation de petites barques de pêcheurs. Ils ont tous une petite lampe qu’ils allument lorsqu’un navire s’approche d’eux. On comprend qu’un bateau « amiral » suit la flotte et est lui équipé des feux réglementaires. Il doit certainement leur servir de guide dans la nuit, sur leur petites barques au large, je les trouve sacrément courageux.
Nouveau bulletin météo
À l’approche des côtes, nous payons quasiment tous 60 euros de hors forfait téléphone. Sauf moi qui prend 270 euros avec mon forfait orange pro plus 60 sur mon forfait personnel Bouygues Telecom. 330 euros les 30Mo pour récupérer un bulletin, j’aurais du y penser ! Nous avons approché la côte à moins de deux milles nautiques et la sonde a affiché 34m de profondeur, mais nous n’avons jamais vu la côte marocaine !
Le bulletin nous annonce un peu de vent pour rejoindre Lanzarote, nous mettons alors le cap dessus en route directe. Ça souffle correctement, Menyr avec son antifouling tout neuf glisse à merveille, les conditions sont idéales ! Nous avons coincé un filet de pêche dans le quille, après trois quart d’heure nous avons réussi à nous en défaire sans même le couper.
Dans la nuit du lendemain, nous apercevons les lumières de Lanzarote. Très peu en fait ! Habituellement la pollution lumineuse est telle que l’on voit les villes à une vingtaine de milles de la côte. À Lanzarote ce n’est pas le cas, les lumières que nous voyons sont des phares de voitures et quelques habitations.
Le garde côte nous appelle sur la radio pour nous demander de nous dérouter afin d’aller confirmer la position d’un bateau de migrants. Je décide d’accepter nous mettons le cap vers la position donnée qui est quasiment contre « Reque del Este », un rocher au nord est de Lanzarote et qui est aussi une réserve intégrale. Je réveille tout le monde pour faire une veille attentive. Le garde côte nous rappellera avant que nous ayons atteint notre objectif pour nous démobiliser, ils envoient un hélicoptère. Nous sommes soulagés car ces migrants seraient 14 personnes entassées sur une toute petite embarcation. Un mouvement de panique peut virer au drame.
L’hélicoptère nous fait signe en passant au dessus de nous, une heure plus tard nous mouillons l’ancre à Lanzarote.
Trois ans que j’essaie d’atteindre les Canaries, c’est fait !
Fin d’année en douceur
Nous mouillons quelques jours, un peu surpris des paysages vraiment secs ! Les cactus remplacent les arbres et les cailloux remplacent la garrigue.
Puis nous amarrons au port de Puerto Calero. Nous y retrouvons les mêmes anglais qu’au Portugal, c’est pub et fish and chips ; ils sont vraiment partout !
Le rythme de travail revient à la normal. Nous visitons l’îles, les volcans, je suis très dépaysé. Je n’avais pas vraiment regardé les photos avant de partir car je voulais plus partir qu’arriver, mais une fois sur place la surprise fut totale: des champs de lave à perte de vue!
Rapidement la routine s’installe tout comme le mois de Novembre. Nous accueillons Jojo et Cléa qui viennent nous rendre visite. Ça y est nous profitons des avantages de notre voilier: nous pouvons accueillir les amis correctement !
Une semaine plus tard ce sont les Grenoblois qui viennent nous rendre visite. Nous avions nettoyé en profondeur Menyr pour qu’il soit présentable, mais le matin même de leur venue, le chauffe-eau décide de monter en pression. Une durite lâche et telle une cocotte minute dont on vient d’enlever la soupape, une bonne partie des 28L du chauffe-eau se libèrent en vapeur et se propagent derrière toutes les boiseries. Les vernis gondolent, le bateau qui était propre et sec est à nettoyer et sécher à nouveau. Quant on aime on ne compte pas.
Heureusement avec les grenoblois, on louera une grande villa à nous treize et visitons l’île encore. Le chauffe-eau, on verra ça plus tard !
Les cafards
Un nouveau problème fait son apparition: les cafards. Ici ils sont gros et moches ! On les voit le soir se balader sur le quai, par chance nous sommes loin au fond de notre ponton. Mais un jour j’en ai trouvé un dans ma combinaison de surf qui était dans le cockpit. Un autre jour j’en ai trouvé un autre sur le pont.
La guerre est déclarée, il est hors de question que ces bestioles arrivent à coloniser notre chez-nous ! Nous sommes donc armés de pièges en tout genre et d’insecticides prêt a être dégainés.
En méthode préventive, nous déballons nos courses sur le ponton et désinfectons chaque article au vinaigre avant de les mettre à bord, les cartons n’atteignent pas le bord car les cafards adorent y déposer leurs oeufs: les cartons vont alors directement à la poubelle. Nous désinfection également nos chaussures et elles sont interdites à l’intérieur. Le ménage est encore plus soigné.
Après un mois sur Lanzarote, nous ne sommes plus dépaysés. C’est joli mais ça reste un cailloux sans vie, on a vite fait le tour.
La suite est de rejoindre le port de Las Palmas de Gran Canaria. Là bas, nous ferons les gros travaux que nous avons encore à faire: changement du gréement, construction d’un portique, installer un régulateur d’allure, peut-être changer le teck… Mais nous commenceront bien-sûr par le chauffe-eau.
Bonne et heureuse année 2024 sur votre beau bateau, Vincent et Raquel ! J’espère que vous pourrez profiter pleinement de votre bateau remis à neuf, et que les mauvaises surprises type chauffe eau vous seront épargnées ! Toujours aussi sympa de suivre vos aventures 🙂
Bonne année pleine de nouvelles aventures les marins ,c’est toujours un plaisir de vous lire ! Bisous
Une bonne santé pour vous permettre des navigations et la découverte de splendides mouillages ainsi que des connaissances d’autres férus de voile.
N’hésitéz pas à partager comme vous le faites, c’est un plaisir de vous lire et de vous savoir HEUREUX d’être sur mer.